Nov 252008
 

négociation au Parti SocialisteCe matin, le camp Royal a continué son occupation médiatique. On a entendu Manuel Valls parler d’hypocrisie, Julien Dray remettre en cause l’impartialité du Conseil National, François Rebsamen poser un ultimatum à la commission de récolement, Jean-Pierre Mignard menacer de porter l’affaire en justice, et même Vincent Peillon, très silencieux jusque là, y est allé de son « malfaisants.

Mais ce dernier a également ouvert un peu le jeu en évoquant une « solution politique » qui se substituerait à la « solution arithmétique« . On est tenté de dire : Enfin ! Enfin quelque chose de constructif. Enfin le retour du politique. Enfin une base à la discussion.

Pour lui, cette solution politique serait de désigner une « direction collégiale » en attendant la nomination d’un Premier Secrétaire, désigné par un nouveau vote dans des conditions qui assureront la légitimité de celle qui sera élue. Ajoutant que cela implique de « se donner un peu de temps« … et c’est bien là que réside toute la différence avec ce que l’on entendait jusque là depuis le camp royaliste et pour lequel il ne s’agissait que de revoter « rapidement« , « la semaine prochaine« , « jeudi prochain« ….

Un re-vote n’aurait en effet une chance d’aboutir à un résultat différent, c’est à dire cette fois-ci incontestable, que si l’on prend le temps de réformer en profondeur et très sérieusement les conditions des opérations de vote, conditions qui sont à l’origine des doutes quant à la sincérité du vote de la semaine dernière. C’est là sans doute le travail de plusieurs mois.

D’où la nécessité de nommer en attendant une direction collégiale – par exemple mais il y a d’autres solutions, des variantes possibles autour du même thème, un secrétariat national bicéphale ou tricéphale… l’essentiel étant dans le caractère transitoire de la solution qu’il s’agit donc pour les deux camps de négocier. Et tout est dans cette exigence d’une solution négociée. Car lorsque l’on a dit solution transitoire en attendant un re-vote qui puisse se dérouler dans des conditions de parfaite transparence, on n’a encore rien dit et un certain nombre de questions demeurent à résoudre qui exigent des réponses négociées.

Peut-on se contenter de figer le Parti Socialiste au milieu du processus de congrès et simplement se contenter dans six mois d’un vote entre Royal et Aubry ? Sachant qu’en droit un scrutin est composé des deux tours qui le composent, ne faut-il pas au minimum repasser par les deux tours de scrutin ? Et du coup, ne s’agit-il pas en réalité d’en revenir à la phase de dépot des candidatures ? Et du coup encore, si l’on veut qu’il y ait un sens politique à tout cela, que ce ne soit pas juste un affrontement de personnalités, ne s’agit-il pas en réalité d’en passer par l’organisation d’un congrès exceptionnel ?

Et puis quel délai se laisse-t-on ? Combien de temps est nécessaire pour s’assurer d’une refonte sérieuse des opérations de vote et la mise en place de nouvelles procédures ? Un mois ou plutôt six mois ? Et que se passe-t-il alors politiquement pendant ces six mois ? Le PS peut-il se contenter de ne s’occuper que de lui-même pendant tout ce temps ? Sachant que les élections européennes surviennent en juin prochain, comment cela s’articule-t-il : un re-vote juste avant ou bien après cette échéance politique importante ?

Et l’oposition à Sarkozy ? Et le mouvement social ? Et le projet politique qu’il s’agit encore de refonder ? Qui s’occupe de tout ça durant ce délai et dans quel cadre ? On remet à plus tard ?

Et tout cela sans même évoquer les questions de personnes – car même une direction collégiale est composée de personnes qu’il s’agira aussi de désigner…

On voit bien qu’il s’agit de négocier, et donc d’abord de parvenir à se parler, ce que très visiblement ni Martine Aubry ni Ségolène Royal n’ont encore consenti à faire. Et les deux camps qui savent bien qu’il s’agira in fine de négocier en sont de fait toujours à croiser le fer afin de créer le rapport de force qui leur sera nécessaire à la négociation à venir. Le camp Aubry en se déclarant vainqueur et en refusant de reconnaître un résultat d’égalité, le camp Royal en faisant peser la suspicion d’une triche généralisée sur le camp adverse, en menaçant d’aller en justice, en appelant ses partisans à manifester pendant le Conseil National, en remettant en cause sa légitimité, en occupant avec force propos déplacés tout l’espace médiatique…

Le camp Royal, sans doute parce qu’il est dans une position plus inconfortable, va plus loin – et sans doute trop loin – dans cette volonté de créer un rapport de force propice à la négociation et, ce faisant, contribue largement à radicaliser les positions. Et même si je suis bien persuadé que dans une situation inverse, le camp Aubry en ferait au moins autant, il se trouve que dans ce cas précis c’est bien le camp Royal qui en flirtant avec le point de non-retour prend le risque qu’au final de négociations il ne puisse y avoir.

Mais la responsabilité de ce qui découlerait d’une impossibilité à négocier incomberait d’abord et à part égale à Martine Aubry et Ségolène Royal qui viennent déjà de laisser passer trois jours entiers durant lesquels elles ne se sont pas mise autour de la table, laissant champ libre à l’escalade verbale entre leurs lieutenants respectifs. L’une et l’autre prétendent, paraît-il, concourir pour la présidence de la République, mais l’une comme l’autre apportent ces jours-ci la preuve qu’elles sont incapables de transcender leur propre personne, leur propre intérêt, dans le but de privilégier l’intérêt général.

Pour l’une comme pour l’autre, il faudrait bien alors savoir s’en souvenir : se souvenir que face à une petite crise interne au Parti Socialiste, elles n’auraient pas même été en mesure de présenter autre chose que les visages de deux petites filles orgueilleuses, renfrognées chacune dans un coin de la cour d’école et occupées seulement à se tirer la langue par-dessus la tête de leurs petits camarades respectifs.

Où l’on parle de : Tuer n’est pas négocier


Opération intox