Juin 102009
 

nouveau Parti SocialisteEn novembre dernier, alors que la bataille du congrès socialiste faisait rage, j’avais écrit cela sur ce blog :

« Une certitude que nous pouvons avoir est que si le prochain premier secrétaire du Parti Socialiste est Ségolène Royal ou Martine Aubry, la guerre des socialistes se poursuivra. Dans un cas comme dans l’autre, les perdants chercheront à obtenir leur revanche sur les gagnants en les faisant trébucher et ces derniers imputeront leurs difficultés et
éventuellement leurs échecs aux divisions dont les premiers seront tenus pour responsables. Dans un cas comme dans l’autre, il nous faut en être bien conscient, nous n’en aurons pas fini avec la division. Tout au plus, cette guerre qui était ouverte ces derniers mois se transformera en une guerre de positions, une guerre de tranchées et menée largement dans l’ombre, par les uns comme par les autres.

En finir avec une querelle interminable, née de la guerre de succession post-mitterrandienne, c’est tout l’intérêt du saut générationnel en faveur duquel je plaide depuis plusieurs semaines sur ce blog – et en réalité depuis le lendemain des élections présidentielles et législatives de 2007. J’avais estimé pour ma part que la plus grande chance de parvenir à ce changement de génération résidait en Vincent Peillon. Malheureusement, celui-ci n’a pas souhaité assumer toutes ses responsabilités, cédant à la volonté intransigeante d’une Ségolène Royal incapable de s’effacer – de même qu’après avoir été tentée, Martine Aubry n’a pas non plus consenti à s’effacer derrière Benoit Hamon. »

Je continue de penser que les défaites du PS de 2002, 2007 et 2009 s’expliquent toutes par l’effet conjugué des divisions et d’un positionnement politique trop timidement à gauche.

Je continue de penser qu’il aurait mieux valu que ce ne soit pas Martine qui obtienne les rennes du PS – pas plus que Ségolène. Le fait est aujourd’hui que c’est elle et que les français se fichent que ce soit elle ou une autre : ils veulent du boulot, de l’unité et de la gauche.

Tenez, je vais même vous dire : les français se contrefichent de la rénovation structurelle du Parti Socialiste et des états d’âme de ses militants : du boulot, de l’unité et de la gauche.

Bien sûr, pour faire du bon boulot il faut une meilleure organisation ; pour s’irriguer de gauche il faut s’ouvrir à la société civile ; pour être uni il faut embarquer tout le monde. Mais les français se moquent bien du comment, il veulent entendre parler de résultats. Il est donc inutile, et en réalité destructeur, que chacun y aille de son petit couplet sur la rénovation du PS, il faut se taire et faire.

C’est Martine Aubry qui est à la tête du PS ?
Alors il faut faire avec Martine Aubry et non contre elle. Que ça plaise ou non !

Car ce dont les socialistes ont besoin, c’est avant tout d’un projet alternatif, ambitieux, crédibles et mobilisateurs, ainsi que la capacité de le donner à entendre aux français. Alors, la seule question qui se pose réellement, la seule qui intéresse véritablement les français, est la suivante : Le Parti Socialiste va-t-il ou non revisiter de fond en comble son offre politique en ancrant son projet à gauche ou bien va-t-il une nouvelle fois se contenter d’un replâtrage de son modèle social-démocrate ?

A ce titre, l’intervention de Vincent Peillon, via un entretien accordé hier au journal Le Monde, est très éclairante quant à ce qui se joue autour de cette question centrale et qui coupe le Parti Socialiste en deux parties probablement pas si égale qu’on voudrait nous le laisser entendre. Le Parti Socialiste et Martine Aubry ont et auront à faire face à de très fortes résistances dans sa volonté de ré-ancrer solidement le projet socialiste dans la gauche, résistances de la part de tous ceux qui se refusent à prendre le risque de se couper de l’électorat centriste, tous ceux qui n’ont pas retenu la double leçon de 2002 (avec un Jospin dont le projet n’était pas socialiste) et de 2007 (avec Royal qui chassait en terre de droite) : ce n’est que par la gauche que la gauche reviendra au pouvoir, parce que c’est d’une immense attente à gauche que désespère l’électorat, là que ce créera un véritable espoir de changement et donc une dynamique électorale.

Ce matin, petits et grands, tous les commentateurs de la vie politique française s’en donnent à coeur joie pour crier à la tartufferie d’un Parti Socialiste qui serait mort, qui serait autiste, qui aurait choisi de ne pas changer une équipe qui perd… Mais pour qui roulent-ils ? Qu’ont-ils à vendre ? Ceux-là ont-ils un profond désir de gauche ?

Qui a relevé qu’hier soir, lors du Conseil National du Parti Socialiste, Martine Aubry a prononcé un discours, que je trouve pour ma part chargé de bonnes questions… et de réponses qui invitent à l’espoir ? Oui, combien d’entre ses tant pertinents commentateurs ont même pris la peine de le lire ? Ou se sont contenter de lire le titre, Six mois pour changer de cap, pour en tirer les conclusions qu’ils leur plaisaient de faire ?

Je vous invite à cette lecture, et me contente ici de n’en retenir que quelques extraits clés :

[…]Nous avons le devoir de regarder en face la signification des résultats du scrutin de dimanche. Nous devons le faire avec lucidité et sang froid. Rien ne servirait de minimiser l’ampleur de notre défaite en se référant à d’autres périodes plus douloureuses de notre histoire. Rien ne servirait d’en relativiser l’importance. […] Non, rien ne servirait de chercher ailleurs qu’en nous-mêmes. […] Oui, nous avons un devoir d’analyser les vraies raisons de l’échec – mais je crois que nous les connaissons, nous les devinions, nous les vivions – et de réagir immédiatement pour entraîner un sursaut collectif.

Crise de la construction européenne, tout d’abord. […] Crise de la sociale démocratie, ensuite. […] Crise de notre Parti, enfin.
[…]

Notre prochain rendez-vous, c’est celui des régionales. Je le dis simplement, si certains ont l’intention de se replier sur leur terrain, en espérant ainsi se démarquer de notre Parti, ils se trompent. Certes, tel ou tel pourra sauver son siège au regard de ce qu’il a apporté à la population, mais soyons en sûrs, à moyen terme, tout cela ne sera que vain, si notre Parti n’est pas à la hauteur des enjeux.

Aussi, c’est à une profonde refondation de notre parti que j’appelle, refondation des idées, refondation à gauche, mais aussi profonde refondation de nos pratiques, de nos démarches personnelles et collectives. Ce sont trois refondations qui doivent répondre aux trois crises que je viens de rappeler.

Oui, je vous le dis, chers camarades, nous ne sortirons pas de cette situation par quelques replâtrages, par je ne sais quel recentrage ou réorientation ou par quelques artifices de communication. La ligne politique a été définie par les militants lors de notre Congrès, elle doit être suivie.

[…]
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, je vous le dis très solennellement, c’est d’un véritable sursaut de nature à refonder profondément notre Parti. C’est un état d’esprit. C’est une conviction profonde. Je vous ferai ce soir quelques propositions, nous en débattrons dans les jours qui viennent.

[…]

1- La refondation de nos idées

[…]
On n’élabore pas, on n’écrit plus un projet dans le huit-clos d’un parti, en circuit fermé. Bâtir un projet de société, c’est mettre en débat les questions qui se posent à nous. C’est le faire bien sûr avec notre cœur, avec la mémoire de nos luttes sociales, féministes, écologistes et avec la sincérité de nos valeurs de socialistes, à l’écoute de ce que nous disent les français. Pour notre parti, il y a urgence et obligation à entendre ce qui vient de toutes parts, non pas depuis hier, mais depuis trop longtemps. Les Français veulent être écoutés, et ils considèrent que les grands partis ne les écoutent plus. Les Français attendent du Parti socialiste un projet crédible, inscrit dans les valeurs de la gauche et adapté aux temps nouveaux. Ils sont lucides sur la panne que connait la France, mais ils ne nous font pas encore confiance pour conduire l’alternance.

[…]
C’est pourquoi nous écrirons ce projet de société en donnant à chaque étape la parole aux Français. Nous en débattrons, étape après étape, avec vous et avec eux et avec les intellectuels, les hommes et les femmes engagées dans la société qui nous ont rejoints notamment dans le Laboratoire des idées. J’en suis convaincue, c’est par un dialogue fécond entre les Français qui disent leurs difficultés et leurs attentes, les experts qui sont là pour les analyser et tracer chacun dans leur domaine les chemins du possible, et les politiques que nous réussirons.

Nous nous sommes déjà mis au travail en ce sens depuis plusieurs mois. Avec la création et la mise en route du Laboratoire des idées. Un premier travail a été fait également auprès des français pour mettre en exergue non pas leurs attentes à court terme, mais leurs aspirations les plus fondamentales à partir desquels nous devons je le crois déterminer les modes d’entrée, innovants, dans notre projet. Nous en débattrons le 7 juillet avec l’ensemble des membres du Bureau et du Secrétariat National.

Mais surtout, après ce cadre de juillet, je veux que nous engagions une démarche hors-les-murs de Solférino, innovante, enthousiaste et féconde. Nous irons, dans chaque fédération, avec les militants, et je le souhaite, ceux des autres partis de gauche, à la rencontre des Français. Nous devons nous démultiplier.

[…]
A chacune de ces étapes, notre projet s’enrichira des propositions des Français, s’approfondira par le dialogue avec des citoyens volontaires. Il se nourrira de l’expérience vécue et réussie des « innovateurs du quotidien », qui transforment notre société là où ils sont, dans des associations et des entreprises, des hôpitaux ou des écoles.

[…]
Ainsi, sur tout le territoire, nous nous déploierons, démultipliant cette démarche, irrigant le pays et le Parti.

[…]

2- La refondation de la gauche

[…]
Aujourd’hui, faces aux grandes questions auxquelles nous avons à répondre, il faut une nouvelle démarche de rassemblement à gauche. Rassemblement des Partis politiques de gauche, mais aussi rassemblement de ceux qui, portant des valeurs démocrates et d’humanisme, je le sais, aspirent à nous retrouver. Car je vous le dis, il n’y aura pas de victoire à gauche sans une gauche solidaire et unie.

[…]
L’écologie, sans la gauche, restera une belle idée sans réalité.

L’écologie et le social iront de pair dans une gauche unie ou ne seront pas.

La gauche sera unie ou ne sera pas, qui peut aujourd’hui en douter ?

C’est la raison pour laquelle, je veux dès demain – j’ai déjà pris des contacts hier et aujourd’hui -, engager des discussions avec tous ceux qui à gauche, sans exclusive, veulent porter un autre modèle de société pour la France, battre Sarkozy en 2012 et gouverner ensemble ensuite. Je vous en demande le mandat ce soir.

Et je le dis clairement, il ne s’agit pas de retomber à nouveau dans les accords d’appareils que nous concoctons habituellement à la veille des élections. Nous devons bâtir une Maison commune fondée sur :

– un projet commun ;

– et une stratégie de candidatures la plus efficace possible pour porter ces idées au pouvoir, partout où nous le pouvons.

Je le dis dès maintenant aux partis de gauche : nous voulons rentrer dans cette démarche sans préalable, sans a priori et sans volonté hégémonique. La réussite nécessite que chacun trouve sa place, que nous soyons capables d’être ouverts aux idées des autres et que nous fassions ce travail avec les Français.

C’est dans cette démarche d’ouverture aux Français de nos Partis pour préparer le projet, et de rassemblement à gauche, que doit être portée la réflexion sur les primaires pour le choix de notre candidat à à l’élection présidentielle de 2012. Ce sujet ne peut être traité à la légère comme un gadget pour masquer nos insuffisances. Il doit être réfléchi et pensé dans une démarche politique et collective.

[…]

3- La refondation de notre Parti

[…]
Ne nous racontons pas d’histoires. Nous donnons l’impression et c’est parfois une réalité, de ne plus être heureux de vivre et travailler ensemble. De nous situer en concurrence et non en complémentarité. L’unité, ce n’est pas penser tous pareil ; c’est avoir le courage de porter à l’interne les débats nécessaires puis de défendre collectivement nos positions.

[…]
Je souhaite ce soir et dans les jours qui viennent que le mode de gouvernance que nous allons mettre en place nous assure une solidarité totale et une réaction immédiate en cas de non respect de nos règles communes.

[…]
Je vous appelle ce soir à des changements profonds de nos comportements mais aussi de nos règles internes.

[…]
Maintenant que l’ensemble des sensibilités est représenté au Secrétariat National, le Bureau National doit redevenir l’instance du débat politique où nous forgeons notre réflexion et nos décisions communes. J’y veillerai absolument.

[…]
Face à l’ampleur de la tâche qui est devant nous, il nous faut à la fois serrer les coudes, amplifier le mouvement de refondation et être à la hauteur des attentes sur le projet. C’est la raison pour laquelle il nous faut changer notre mode de gouvernance. Un Parti est un lieu de débat. Ces débats doivent avoir lieu en son sein et les positions prises défendues par tous.

[…]
Dans le contexte actuel, il est hautement souhaitable que tous les talents politiques soient présents dans nos instances de gouvernance. J’ai rencontré beaucoup de camarades ces dernières heures. Je continuerai dans les jours qui viennent pour annoncer le plus tôt possible ce nouveau dispositif.

Mes camarades, il s’agit d’une nouvelle étape. Non pas d’un rassemblement factice ou d’une unité de façade. Il s’agit pour chacun de prendre la responsabilité de mettre sa force politique, son imagination, ses propositions au service de tous.

Nous devons enfin […] faire émerger la génération qui demain nous remplacera en veillant au respect des objectifs fondamentaux de diversité, de parité, d’égalité des chances pour faire un Parti qui ressemble à ceux qu’il veut représenter.

[…]

Avant de conclure, je vous propose d’inscrire notre feuille de route dans un calendrier que je vous soumets ce soir à grands traits :

– annonce de la nouvelle gouvernance dans les prochains jours,

– dans les jours qui viennent, engagement des discussions avec l’ensemble de la gauche,

– fin août, la Rochelle sera le premier élément du lancement de notre projet. Nous avons une université d’été conçue ouvert sur la société et les autres partis de gauche,

– dès le lendemain, lancement du tour de France du projet,

– avant la fin de l’année, les Assises, les Forums, Etats Généraux et les Conventions déjà envisagées sur la culture, l’éducation, la sécurité seront réunis et se tiendra la grande convention sur le nouveau modèle de développement social, économique et écologique.

Nous avons six mois pour changer de cap.

[…]

On pleurniche sur nos manquements, on se flagelle en se répétant combien nous sommes nuls, on assiste impuissant au triomphe d’une droite qui se marre des cadeaux qu’on lui fait… ou bien on relève un peu la tête et on se met au boulot, ensemble ?

Où l’on parle de : En finir avec les divisions


Peillon ne veut pas trop de gauche