Mar 172012
 

Hier soir, Nicolas Sarkozy était l’invité du Grand Journal de Canal +. Je ne vais pas revenir sur l’impression de connivence qui nous a saisi tout au long d’une émission qui il fut un temps se voulait impertinente, sinon subversive. Cela est très bien raconté dans cet excellent article paru sur le Plus, du Nouvel Observateur.

Je veux seulement revenir sur un moment précis de l’émission de ce vendredi 16 mars. Et d’abord sur le début de l’interview de Jean-Michel Aphatie. Après avoir rappelé à Nicolas Sarkozy sa déclaration de la semaine passé, introduisant sa proposition de taxe sur les grandes entreprises – « J’ai découvert que ces grands groupes ne paient pas du tout d’impôt sur les bénéfices » -, Aphatie interroge : « J’ai découvert ! Mais nous ça faisait longtemps qu’on savait. Il aurait fallu nous le demander, on vous l’aurait dit. »

Dans un premier temps le visage de Sarkozy se ferme, il semble vaciller sous la rudesse du coup. Et puis vient la réponse :

Bon… Pourquoi… Vous… Vous pensez qu’il faut que je fasse semblant d’être omniscient. Oui j’ai découvert que la moitié des entreprises du CAC 40 se débrouillaient pour pas payer d’impôt sur les bénéfices. Mais est-ce que vous croyez que je sais tout ? Est-ce que vous pensez vraiment… Est-ce que vous voyez dans une émission le nombre de dossiers sur lequel on m’interroge, le nombre de chiffres que je dois avoir en tête ? Je ne m’en plains pas, je ne dis pas ça. Oui, je l’ai découvert. C’est une réalité.

Ce n’est tout de même pas comme s’il avait révélé qu’il ignorait le prix du ticket de métro ! Ou même qu’il se soit trompé sur le taux moyen d’imposition sur les bénéfices des grandes entreprises françaises.

Cet homme, qui est président de la République depuis cinq ans, qui avant cela a été ministre du Budget, puis ministre de l’Economie et des Finances, qui est un ami proche de nombre de grands patrons de ces mêmes grandes entreprises, vient prétendre qu’il a découvert il y a trois jours qu’elles se débrouillaient pour échapper à l’impôt. Si ce n’était de toute évidence un mensonge, ce serait l’aveu d’une incompétence crasse.

La réalité – c’est-à-dire pas celle que s’invente complaisamment le candidat à sa propre succession – est que :

  • l’impunité fiscale des grands groupes français est connue de longue date, faisant l’objet de multiples rapports officiels du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), de la Cour des Comptes, du Trésor et même de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale (UMP), tous transmis au président de la République, Nicolas Sarkozy ;
  • les privilèges fiscaux des grands groupes français sont le fruit d’une politique de dérogation fiscale activement défendue par l’UMP depuis 10 ans, au cours desquels Nicolas Sarkozy a été successivement ministre du Budget, ministre de l’Economie et des Finances, et président de la République ;
  • la réforme de l’impôt sur les sociétés, déjà promise par le candidat Sarkozy en 2007, aura été repoussée par ce dernier tout au long de son mandat ;
  • la proposition que Nicolas Sarkozy a formulée, suite à sa « découverte », laissera inchangé le système en place et ne compensera que marginalement la somme des dérogations accordées aux grands groupes, donc leur impunité fiscale.

(source : Les Echos)

C’est ainsi un double mensonge que fait Nicolas Sarkozy. Non seulement il n’a rien découvert, bien au contraire il savait très précisément ce qu’il en était de l’impunité fiscale des entreprises du CAC 40, il est même celui qui l’a rendu possible. Mais en plus, la proposition qu’il fait là très opportunément, à l’occasion de cette campagne, ne changera rien à cette situation d’injustice fiscale qui favorisant les grandes, pénalisent les petites et moyennes entreprises qui non seulement n’ont pas accès à ce système dérogatoire mis en place par l’UMP, mais ont vu leur taux d’imposition majoré de 20% – selon les dires mêmes du rapporteur UMP de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, Gilles Carrez.

On se prend alors à rêver que Nicolas Sarkozy, le candidat, fasse désormais bien d’autre découvertes à propos de Nicolas Sarkozy, le président. Aussi je propose à mes petits camarades de jeu de l’y aider – sur Twitter, on utiliserait par exemple le hashtag  : #Sarkodecouvresonbilan